16 novembre 2009

Passion et contagion


Lorsque je me suis immergé dans le monde du poker, voilà trois années, j’ai beaucoup saoulé mes potes avec ce jeu, les initiant malgré eux aux règles, insistant pour faire une partie à l’arrache lors de nos soirée, payant des buy-in de tournois au pasino en lieu et place de cadeaux d’anniversaire ou de noël.
En fait, j’en ai tant et si bien fait, qu’une sorte de régulière s’est instaurée au sein de notre petit groupe. La partie du vendredi.
La partie du vendredi n’a pas lieu tous les vendredis, elle est tributaire de la disponibilité de ses joueurs. De même que la partie du vendredi peut avoir lieu un Samedi ou un Dimanche, voir même un Mardi, La partie du vendredi est un concept qui dépasse les considérations de temps et d’espace. La partie du vendredi est intemporelle et immatérielle, elle est au poker ce que les tambours du Bronx sont à la musique, un expert n’y retrouverai pas ses gammes mais ne manquerai pas d’être fasciné par son aspect sonore et extravertie, par ses volutes de fumée et d’alcool, par son coté autodidacte géniale, par son harmonieuse cacophonie.

Cette semaine c’est Mike qui reçoit, nous arrivons dans son appartement valenciennois avec un peu de retards. Après l’apéro, indispensable préambule à notre soirée, nous définissons la structure.
- « Bon, alors on fait quoi comme structure ? »
- « Comme vous voulez, mais pas un truc qui fini à midi… »
- « Pourquoi pas un cash ? Genre 5eu les 500 jetons sur des blinds 5 / 10… »
- « Non, pas de cash, c’est plus sympas en tournois, on a qu’a faire un 10eu re-buy illimité pendant une heure »
- « Non pas de re-buy, ça va être trop long… Moi je préfère un freezout… Genre 25eu »
Finalement nous statuons sur un freezout 25eu. Nous nous installons ou bon nous semble sur la table, ce qui prends un certain temps. L’hôte prend le bouton, c’est la règle. Je prépare les stack :
- « On se dit 8K avec des rounds de 20min et des blinds qui démarre à 25 / 50… Mike tu t’occupe du PC… »
- « Non, il est planté le PC… »
- « Bah comment on fait alors ? »
- « J’vais mettre mon portable à sonner toute les 20min… Ecrit la structure sur un papier… ça ira comme ça. » Je m’exécute.
- « Bon, 25/50. 50/100. 75/150. 100/200. 150/300. On se dit ante a partir de 300/600…. »
Une fois ces détails réglés, je prends une seconde pour visualiser la position de chacun à table.

Coup d’œil circulaire :
Au siège 1, Mike, mon pote, l’illustre inconnu de mes CR. Mike est un joueur expérimenté, écumant principalement les tables de la capitale ou il passe le plus clair de son temps. Un style aggro, tendance loose lors de nos parties privée.
Siège 2. Votre serviteur. Ma position, à gauche de Mike, n’est pas tout à fait un hasard…
Siège 3. Fred. Ami d’enfance, c’est moi qui l’ai initié au texas hold hem, mais il a un lourd passé de beloteu, tarot et autre poker fermé. Un style plutôt passif et assez loose. Le genre à avoir du mal à jeter son AK, même sur un board 26475 !
Siège 4. Loïc. Introduit dans notre cercle par Fred, son sérieux naturel se ressent dans son jeu. Je l’ai longtemps appelé « Joe la pince », mais j’ai cessé de le faire après avoir débusqué quelques un de ses coups opportunistes…
Siège 5. Freddy. Un pote à Mike. Joueur occasionnel au casino de saint Amand. Très loose, très très loose. Il rêve de me déstacker, en vain pour le moment. Généralement c’est le premier sortant…
Siège 6. Vincent. Le beau frère de Fred. Le doyen du groupe, la quarantaine bien sonnée. Il est tombé dedans dés la première partie, si bien qu’il est en train d’aménager sa cave pour abriter nos futures rencontres. Joueur loose passif, en supposant que Vincent est un style référencé…
Siège 7. Floriant. Un des favoris. Joueur sérieux. Genre crocodile. Ne joue que lors de nos rencontres.
Siège 8. Johan. Un autre beau frère de Fred. Le benjamin cette fois, 23ans, on lui en donne 15. Loose aggro.
Siège 9. Jean-Charles ou Charly. Un collègue à moi. A le voir là, au milieu de notre troupe de déglingos, on pourrait croire à une erreur de casting. Charly ne boit pas, ne fume pas, appel sa compagne toutes les heures pour l’informer du déroulement de la soirée. Si je n’ai jamais compris comment il pouvait supporter nos éclats de voix et nos gesticulations d’ivrognes, je sais qu’il apprécie ces soirées et que nous apprécions sa sobre présence. Style serré agressif. Ne joue que lors de nos parties.
Siège 10. Frédéric. Ami d’enfance, Fréderic a d’abord refusé toute participation à nos soirées poker. Frédéric est un gars cool, mais il est pingre. D’une radinerie à faire pâlir Harpagon, jumelée à une méfiance frôlant l’injure lorsqu’elle à pour cible ses amis. C’est un vilain défaut qu’il à développé au fil des ans, mais il est mon ami et j’ai appris à composer avec, m’amusant même de la grimace qui déforme malgré lui son visage lorsqu’il dépose ses 25e dans la boite par un habituel « Le grand à mis son buy-in, fermez vite la boite avant qu’il ne change d’avis ! »

La table est au complet, les bouteilles de rhum arrangé, de vodka et de bourbon sont à porté de mains, les cendriers disposés à recevoir les cendres de ce qui fût notre raison…
Shuffle up and deal.

Comme prévu, les choses s’emballent très vite, dès la première main en fait.
Freddy raise de 7BB UTG + 2, payé par Vincent puis relancé à 1000 par Johan, Freddy hésite puis relance à 3000, Vincent fold et Johan paye.
Flop : Q7T. Freddy envoi sa boite en une fraction de seconde. Johan paye encore plus vite. Showdown : AQ vs QQ. Et Freddy n’a plus de jetons…

- « Putain, j’y crois pas … Il a brelan ! »
- « Comment j’tai défoncé Freddy ! Une main ! 10 secondes que t’a fait. »
Freddy enfonce la main dans sa poche et en sort un billet.
- « Bon ben… J’recave… » Mike intervient
- « Bah …Sauf qu’on a dit que c’était un freezout Freddy, et que du coup normalement y a pas de recave… Mais bon, ça fait chier… alors si tout le monde est d’accord » Il se tourne vers les 8 autres qui acquiescent. Puis Charly intervient :
- « Ca veut dire qu’on peut tous re buyer alors ? » Fredéric s’alerte :
- « Non les gars, vous déconnez là, moi je remets pas 25eu. Attends, j’vais pas lâcher 50eu pour une partie de carte, j’veux bien être cool mais y a des limites. » J’interviens
- « Ca va Grand, t’es pas obligé de racheter des jetons… On se dit 1 re-buy ou 1 add-on dans une heure. Il est 22h. »

La partie reprends donc son cours, les verres se vide, chacun y vas de son commentaire sur la première main jouée, tous conviennent que Freddy est un fish, sauf l’intéressé qui ne comprends pas pourquoi ce serait spécialement mal joué d’envoyer sa boite avec top paire.
- « Il aurait put avoir une paire de J »
- « Et tu crois qu’il t’aurai payé avec une paire de J ? »
- « Peut être, si il me met sur un arrachage… t’aurais payé Johan ? Avec paire de valets »
- « Hein ? Ou paire de valets ? J’avais les dames ! »
- « Je sais que t’avais les dames, bouffon, j’te demande si tu aurais payé avec les valets… »
- « Oh… Avec les valets… T’aurais été devant si j’avais eu les valets ? »
- « Bah ouais, j’aurais été devant, mais c’est pas la question, j’te demande juste si t’aurais p… »
- « Ah non alors ! Si t’es devant je paye pas ! » Johan joue l’idiot à la perfection, même que des fois on se demande si il joue vraiment.
- « ouais, t’sais quoi ? Laisse tomber, il est teubé en plus le mec. Me suis fait fishé par simplet. P’tain les boules… »

La mésaventure de Freddy nous fait sourire, et nous décidons d’enregistrer son record : 1er sortant le plus rapide de la partie du vendredi avec un temps de 3min 39sec à compter de la première carte distribuée.

1 bouteille ou deux plus tard je m’inquiet auprès de Mike :
- « Dis gros, ça fait bien une demie heure qu’on joue là ? »
- « Et ouais, même ¾ d’heure… »
- « Et y a rien qui te choque ? »
- « Quoi ? Freddy à encore des jetons ? »
- « Les blinds gros ! Ton portable était pas censé sonner ? »
- « Merde, le portable ! J’ai oublié de le mettre… »

Voilà, je pourrai continuer des pages et des pages sur la partie du vendredi. Je pourrai par exemple revenir sur Freddy qui alors qu’il ne reste que 5 joueurs se fait déstacker et demande, ivre et confiant :

- « Y a plus de rabbatte ? »
- « Y a plus de quoi ? »
- « De rabbatte ! Y en a plus ? »
- « Non Freddy, c’est toi qu’est rabat, et y a plus de re-buy ! »

Nous nous partagerons le prize pool à 4 : Johan, Fred, Mike et moi : 50 / 50 / 150 / 250. Ayant pris les 250, c’est moi qui serait l’hôte pour la prochaine, le temps que chacun se remette de celle-ci… A 6 heure Charly le sobre ramènera Fred et Loïc tandis que je squatterai le canapé de Mike jusque midi.
A mon réveil, Mike est déjà levé :
- « Wech gros, bien ou bien ? »
- « Bien et toi ? »
- « Bien, j’étais en train de me dire que c’était encore carnaval hier… »
- «Ouais, c’est sur que c’est pas du grand poker nos parties… »
- « C’est sur… »

La partie du vendredi c’est n’importe nawak c’est vrai, mais cela nous rappel que le poker reste un jeu, et nous de grands gamins.

4 commentaires:

Eiffel a dit…

superbe ! j'adore, c'st tout à fait l'ambiance de mes soirées poker avec mes potes qui ont lieu... le vendredi soir !!

CelticTouch a dit…

ah les parties du vendredi !! On s'y retrouve tous un peu dans ton CR, c'est bien ce qui est génial ! le pingre, le mec toujours en retard, le ronchon...

Rv a dit…

:-)

Christian a dit…

On s'y croirait.
J'ai reconnu plein de potes, ou plutôt leurs "profils", dans ta description de tes acolytes du vendredi.
Ce qui m'impressionne le plus, c'est que tu te souviennes d'autant de choses alors que vous étiez au bourbon et au rhum arrangé ;-D
Encore bravo.
c22m